Corporate venture : quand les grands groupes financent les jeunes pousses




Se financer et dénicher des liquidités est devenu un des principaux challenges des PME depuis 2008. La crise a en effet considérablement restreint leur accès au crédit. Dès lors, ce sont les modes alternatifs de financement qui profitent d’un report de la demande en liquidité : le crowdfunding et le capital-risque connaissent ainsi l’envolée ces dernières années. Dans cette dernière catégorie, on observe d’ailleurs la récurrence de certains flux financiers, allant des grands groupes vers les PME. La crise encouragerait-elle les relations symbiotiques entre les entreprises ?



Le capital-risque compte traditionnellement parmi les types d’investissement les plus sensibles à la conjoncture économique. C’est en effet en toute logique que les investisseurs sont moins enclins à prendre des paris risqués en période de contraction de l’activité économique plutôt qu’à privilégier des investissements identifié comme sûr. Cette recherche de sécurité n’est pas sans porter préjudice aux start-ups et aux petites entreprises souhaitant se lancer dans des projets ambitieux.
 
Si les investisseurs institutionnels comme les fonds de private equity, ont été largement refroidis par la crise bancaire de 2008 et la crise financière qui s’en est suivi, il existe des investisseurs pour lesquels la prise de risque continue d’être une opportunité même en ces temps difficiles. C’est notamment le cas de ces grandes entreprises dotées de leur propre fonds en capital-risque industriel. Ce type fonds est d’ailleurs désigné outre-Atlantique sous le nom de corporate venture. Il en existe quelques-uns en France, à l'instar des fonds appartenant à Veolia, ou à Orange, et leur nombre tends à croître : en 2011 Seb à par exemple crée son fonds corporate venture baptisé Seb Alliance et doté de 30 millions d’euros.
 
Seb Alliance, comme l’ensemble des fonds de sa catégorie, est à la fois une structure d’investissements, mais aussi une instance de veille technologique et stratégique. C’est en vertu de cette double fonction complémentaire que les fonds corporate venture constituent des atouts précieux pour les grandes entreprises : celles-ci en tirent un revenu financier potentiellement élevé, mais aussi et surtout une meilleure maîtrise de l’environnement et des marchés qui les intéressent.
 
Pour les PME, la contrepartie financière des fonds corporate venture est évidente. Mais l’intérêt du système n’est pas que financier. En effet la participation d’une grande entreprise au capital constitue également une source de notoriété et de crédit pour les jeunes pousses : celles-ci bénéficient d’un sponsoring de facto, en accédant à l’occasion aux compétences des experts de leurs investisseurs, en obtenant parfois l’opportunité d’utiliser leurs réseaux et leurs infrastructures. Les fonds corporate venture constituent donc une opportunité non seulement financière mais aussi matérielle et humaine pour leurs bénéficiaires.
 
Du profit et de l’information stratégique pour les grandes entreprises et du soutien financier et matériel pour les jeunes pousses : le fonds corporate venture se présente résolument comme une heureuse opportunité d’échange de bons procédés à une époque où les entreprises sont pour beaucoup contraintes de reporter de nombreuses initiatives afin d’assurer leur survie. C’est en ce sens que ces fonds contribuent au maintien du dynamisme du tissu entrepreneurial. Mais il ne faut toutefois pas en surestimer la portée : sa pratique se fait moins courante en Europe et en France qu’aux États-Unis et elle ne remplace en aucun cas pas le crédit où les fonds classiques qui restent les principaux vecteurs de financement des start-ups et des petites entreprises dans le système économique contemporain. Alors que le système bancaire est encore quelque peu grippé, il serait d’ailleurs dangereux pour une PME innovante de miser exagérément sur les fonds de corporate venture : si ces derniers sont en effet généralement pérennes et peuvent constituer des partenaires financiers dans le long terme, ils n’en répondent pas moins à un objectif avant tout financier. Ils peuvent donc choisir de se retirer du capital sur un désaccord ou une révision de leur jugement quant à la nature stratégique de la PME considérée. Pour en tirer meilleur parti, diversifier ses financeurs et, plus largement, ses financements reste à n’en pas douter la politique la plus sûre.


26 Juin 2012