Industrie : entre ambitions et obstacles, la France et l’Europe face à leurs choix




Les enjeux de la transition énergétique et industrielle se heurtent en France à des blocages administratifs et réglementaires qui freinent le déploiement des énergies renouvelables. Ce constat, partagé par les dirigeants de TotalEnergies et d’EDF, reflète une problématique plus large, à la fois nationale et européenne, où l’ambition climatique se heurte à des contraintes structurelles.



La France : un enfer réglementaire pour les investissements industriels

Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, a exprimé une frustration claire lors d’un colloque organisé par l’Union française de l’électricité qui s’est tenu le 10 décembre 2024 : « J’ai 500 développeurs d’énergies renouvelables en France qui arrivent à faire péniblement 300 à 400 mégawatts par an. Aux États-Unis, j’ai construit 2 gigawatts en un an. Je ne peux pas continuer à investir, à avoir autant de personnes qui me coûtent de l’argent pour un rendement aussi faible. » Une analyse qui montre la différence profonde entre la France et d’autres régions, où des cadres plus souples permettent des avancées rapides dans le domaine énergétique.

Luc Rémont, à la tête d’EDF, a quant à lui souligné lors de ce même colloque que « c’est l’enfer d’investir en France pour des raisons réglementaires. Et ce n’est pas juste l’enfer pour les renouvelables, c’est l’enfer pour raccorder un industriel, pour raccorder un data center. » Finalement, ces délais administratifs excessifs paralysent des projets essentiels à la réindustrialisation et à la décarbonation du pays ne faisant que des perdants.

La décarbonation ne peut se faire sans nucléaire

Le paradoxe français est d’autant plus criant que le pays dispose d’un mix énergétique largement décarboné, grâce à une production d’électricité à 93 % d’origine nucléaire. Pourtant, cette avance est minée par des décisions européennes, comme l’exclusion du nucléaire des financements du Fonds européen de développement, malgré son rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique.

À l’échelle européenne, les débats sur de nouvelles normes environnementales, discutées au sein du Conseil Environnement, révèlent des tensions similaires. Des initiatives comme le Green Deal ou Fit for 55 fixent des objectifs ambitieux de réduction des émissions, mais avec des coûts potentiels élevés pour les industries. Les pays scandinaves et le Benelux, moteurs d’un durcissement des réglementations, s’opposent à des États comme la France, qui militent pour une reconnaissance plus équitable de leurs spécificités énergétiques.

Les règles envisagées, notamment celles sur la décarbonation des procédés industriels, pourraient alourdir les charges des entreprises européennes, augmentant jusqu’à 25 % les coûts de production dans certains secteurs. Ce qui alimente des risques de délocalisation vers des régions offrant des conditions plus favorables, notamment les États-Unis et l’Asie.

Simplifier pour réindustrialiser

Pourtant, ces défis ne sont pas insurmontables. En France, une simplification des procédures administratives pourrait donner un nouvel élan à l’investissement dans les énergies renouvelables et industrielles. Au niveau européen, une meilleure coordination entre les États membres est essentielle pour harmoniser les efforts climatiques et préserver la compétitivité de l’industrie continentale.

Comme l’a rappelé Patrick Pouyanné, « c’est un problème d’espace, c’est un problème de réglementation, c’est un problème de volonté collective. Est-ce qu’on veut se donner les moyens dans notre pays d’avoir de l’électricité et d’être efficace ? » Une question qui dépasse les frontières nationales, résumant les dilemmes auxquels la France et l’Europe doivent faire face pour bâtir un modèle industriel durable et adapté aux réalités de la transition énergétique.


11 Décembre 2024