Justice et Internet : quels recours contre le cybersquatting ?




Le site internet est devenu un outil primordial des entreprises du XXIe siècle. Mais encore faut-il pouvoir s’approprier un nom de domaine. Dans l’univers complexe des registres d’URL, le cybersquatting est une pratique nuisible, délicate à gérer et pourtant assez fréquente.



Début avril 2012, le prestigieux cabinet international de conseil en management Bain & Company a assigné un internaute américain, Jim Woods, en justice pour avoir déposé le nom de domaine bainconsultinggroup.com. Dans le Colorado, M. Woods a fondé son propre cabinet de conseil qu’il a d’ailleurs baptisé du même nom que son site. Le problème ? Jim Woods « utilise les marques Bain, Bain and Company, Bain Consulting Group, et possiblement certaines autres variations de la marque Bain, pour identifier son entreprise de conseil » peut-on lire dans le dépôt de plainte.
D’après le plaignant, Jim Wood est même allé jusqu’à utiliser du contenu copyrighté tiré du site officiel du cabinet international. Le préjudice en termes de marque et de réputation pour Bain & Company est a priori assez clair. Le cabinet international dénonce notamment la violation de l’Anti-Cybersquatting Consumer Protection Act (ACPA) par Jim Woods ainsi que sa « mauvaise foi » quant à sa demande de céder le nom de domaine faisant l’objet du contentieux pour une somme de 20 000 dollars.
La formulation de la plainte de Bain & Company n’est pas anodine puisqu’aux États-Unis, l’ACPA sanctionne la mauvaise foi des cybersquatteurs avérés. L’ACPA sanctionne également les dépôts de marque en guise de nom de domaine dans les cas où le déposant ne possède pas les droits associés à ladite marque. Son audace pourrait ainsi valoir à Jim Wood de se voir sommé de verser à Bain des dommages et intérêts ainsi que de lui remettre le nom de domaine faisant l’objet du litige.

En France, le contrôle de la conformité des noms de domaine déposé est réalisé en amont par l’Association française pour le nommage Internet en coopération (AFNIC). L’AFNIC veille à la prévention du cybersquatting qu’elle définit comme une « action qui consiste à enregistrer un nom de domaine de façon abusive : le nom enregistré correspond à une marque notoire, une société reconnue... sur laquelle le déposant n'a aucun droit »
En bout de chaîne, c’est la jurisprudence qui fait référence sur les cas litigieux de dépôts de nom de domaine à des fins présumées de nuisance ou de spéculations. Celle-ci est notamment susceptible d’incriminer les noms de domaines à caractère trompeur dont le contenu ne permet pas de faire la distinction entre un site officiel et un site particulier.
Par ailleurs, dans un cas comme celui de Bain & Company, le droit de la marque ne peut être appliqué que si le nom de domaine est distinctif et exclu une formulation générale. En France donc, et dans l’hypothèse où aucune des firmes suivantes n’aurait déposé leurs noms de domaine, Apple.com serait donc légalement moins bien armés contre le cybersquatting que Nike.com. Dans une telle configuration de faits, le principe du premier arrivé premier servi fait loi.

En France comme aux États-Unis, le cybersquatting est une dérive régulièrement dénoncée. « Le rapide développement du commerce en ligne » ainsi que « le développement de la pratique de navigation massivement orientée par l’attente des consommateurs » sont selon H. Brian Holland (1) les deux principales raisons de l’émergence du cybersquatting. S’il est toutefois facile de s’improviser cybersquatteur, il peut être plus difficile d’avoir gain de cause face aux petits malins du web. C’est particulièrement vrai en France où, à la différence des États-Unis, il n’existe pas de présomption de mauvaise foi. Le cybersquatting peut être condamné par la loi bien sûr. Mais dans le cas où il porterait sur un nom de domaine formulé en des termes génériques, il serait nécessaire de prouver qu’une faute a été commise par le squatteur et qu’elle a bel et bien nui au plaignant.

(1)HOLLAND, H. B., “Tempest in a Teapot or Tidal Wave ? Cybersquatting remedies Run Amok”, 2005,


4 Mai 2012