Guy Lacroix, pouvez-vous revenir brièvement sur l'histoire de Cofely Ineo?
Guy Lacroix, PDG de Cofely Ineo
Cofely Ineo est une entreprise très jeune. Née en 2001, elle est le fruit d'une consolidation complexe : à cette date, 4 entreprises historiquement concurrentes dont certaines plus que centenaires se sont engagées dans un même projet: faire naître un leader dans leurs métiers du génie électrique, des TIC et des services associés. Ce qu'elles avaient alors en commun, hormis leur dimension technique, c'était leur activité orientée services. L'objectif poursuivi par cette fusion géante était alors de créer une émulation entre des corps de métier a priori différents, mais parfaitement complémentaires. Ainsi, nous sommes aujourd'hui capables de nous placer en interlocuteur unique auprès de nos clients, en couvrant l'ensemble de la chaîne de valeur. Autrement dit, Cofely Ineo joue aujourd’hui le rôle de maître d'oeuvre dans le cadre des grands projets, en proposant des solutions globales depuis la conception et la réalisation, jusqu'à la maintenance.
Sur quels marchés intervenez-vous principalement? Quels sont vos clients?
En tant qu'intégrateur de solutions et de systèmes complexes, principalement dans l'électrique et l'électronique, nous intervenons auprès des grandes entreprises industrielles, des collectivités locales - à travers le partenariats public-privé notamment -, et des institutions telles que la Défense. Pour tous ces acteurs, la fiabilité des solutions énergétiques ou de communication sont stratégiques, voire vitales. Or, la mise en place d'infrastructures de ce type mobilise des corps de métier, ainsi que des niveaux de compétences extrêmement variés. Les clients préfèrent donc, naturellement, s'adresser à un interlocuteur unique capable de les accompagner depuis la formulation de leur besoin jusqu'à la maintenance des systèmes.
Et si vous deviez "expliquer Ineo" à un néophyte?
Concrètement, notre champ d'intervention couvre tout ce qui, de près ou de loin, touche à l’électricité, l’électronique et aujourd’hui au numérique. Citons quelques exemples. Pour nos clients industriels, nous intervenons -entre autres! - sur les automatismes, la distribution électrique et l'éclairage, ou les réseaux informatiques. Auprès des collectivités, nous contribuons à concevoir la ville de demain comme par exemple, la mise en place et l'optimisation des réseaux d'éclairage, les systèmes de videoprotection ou de transport durable (tramway, lignes ferroviaires ou véhicules électriques). Prestations sur lesquelles nous implémentons souvent des systèmes de supervision et d'aide à l'exploitation.
Quel est l'axe directeur de la stratégie de Cofely Ineo?
Nous poursuivons, dans chacun de nos métiers, une stratégie d'innovation qui nous a permis de bâtir une forte notoriété, en dépit d'un environnement concurrentiel déjà dense. Notre objectif est de maintenir ce statut de "puissance globale" dans le pilotage des projets complexes. Nous sommes engagés dans une démarche permanente de progrès collectif, de recherche de synergies, en interne mais aussi avec nos clients et nos partenaires techniques. Par exemple, notre relation client est ancrée dans la logique suivante: nous les percevons comme des interlocuteurs susceptibles de révéler en nous un potentiel d'action insoupçonné, au même titre que nous sommes capables d'identifier et de répondre à des questions latentes qui ne nous ont pas encore été posées, et ainsi révéler un besoin, une contrainte, ou des opportunités! On peut y voir une forme de fertilisation croisée qui favorise l'anticipation. L'innovation n'est pas seulement technologique, elle peut être également relationnelle, ou managériale.
A propos d'innovation managériale, vous êtes considéré comme l'artisan d'un modèle de management avant-gardiste. En quoi est-il innovant?
Nous employons près de 15000 collaborateurs, et pilotons entre 40 et 50000 projets par an. Dès l'instant où il vous incombe de structurer une telle galaxie de compétences et d'objectifs, faire preuve d’agilité managériale est une nécessité vitale. Avec 300 implantations en France, coordonner nos actions au plan local serait un exercice complexe et périlleux sur le plan opérationnel si nous n’avions pas opté pour un management entrepreneurial. C'est pourquoi nous avons instauré un modèle de décision décentralisé, fondé sur l'autonomie de nos collaborateurs dans le cadre d’engagements clairs et cohérents qui fondent la responsabilisation de chacun d'entre eux. Conformément au principe de subsidiarité, nous considérons que l'initiative et la proximité du terrain sont des gages de réactivité et de pertinence.
Cofely Ineo est souvent qualifiée d'organisation systémique, voire d'entreprise "biologique".
Il est vrai que nous avons fait du concept "d'agilité stratégique" notre objectif opérationnel numéro un. Vis-à-vis du client, d'abord, parce que chacun exprime une attente singulière exigeant souplesse et réactivé. Mais l'agilité stratégique se retrouve aussi dans notre business model évolutif, puisque nous orientons et faisons évoluer en permanence nos métiers non seulement en fonction de l’environnement actuel de notre marché mais aussi de son anticipation. C'est ainsi que nous parvenons à améliorer la performance du groupe, même en période d'aléas conjoncturels. Donc effectivement, Cofely Ineo est comparable à un organisme biologique dans la mesure où elle est en processus d'adaptation permanent à son milieu. D'ailleurs, grâce à l'autonomie de nos entités, le changement est immédiatement insufflé à chaque niveau de l'organisation sans qu'il soit nécessaire d'énoncer de multiples directives, ou un plan quinquennal! Ineo fonctionne en système ouvert. Parler "d'intuition organisationnelle", en l'espèce, me paraît assez juste.
Dans votre discours, on ressent que les valeurs de l'entreprise sont au coeur de cette dynamique d'auto-organisation, et sont presque institutionnalisées.
Notre système de valeurs est intimement lié à notre histoire, puisqu'il est le fruit d'une construction logique de notre identité. Il a fallu, dès la création d'Ineo, garantir la cohésion d'un vaste ensemble, le rendre homogène et efficace. Il nous fallait donc répondre à la question suivante: "comment caractériser l'unicité d'Ineo?" Nous avons trouvé une réponse assez évidente dans l'éthique du "vivre ensemble" et une volonté certaine d’innovation, qui incarne aussi notre principal atout concurrentiel. Nous avons donc décliné cette attitude en valeurs que sont l'enthousiasme, la solidarité, l'exigence, le respect, et la recherche de créativité. La légitimité que suscite ce modèle de management, également, est un gage de cohésion qui se traduit aujourd'hui par un profond sentiment d'appartenance de nos collaborateurs à leur entreprise. Nos valeurs constituent le socle catalyseur de leur engagement, parce que plus que tout, nous les incitons à "oser".
Comment sont appréciées ou vécues ces valeurs, en interne?
On consacre beaucoup de temps, aujourd'hui, à son entreprise, et il est important d'y trouver un motif d'épanouissement personnel. Je crois au potentiel de créativité de chacun, qui permet de valoriser sa singularité, même au sein d'une très grande organisation. Les hommes ont besoin de mettre un sens sur leur action pour se sentir engagés. Ce sens découle directement des "repères" qu'on leur propose: adhésion au projet d'entreprise, continuité du management, et valeurs partagées. Ces valeurs constituent un cadre de référence - l'esprit d'équipe -, mais aussi un levier de l'accomplissement personnel dans la mesure où nous incitons chacun à laisser libre cours à son esprit d'initiative au sein de l'équipe. Un de nos collaborateurs en témoignait récemment en expliquant, en ces termes, que "Chez Ineo, votre boulot, c'est ce que vous en faites!"
Être un bon manager est-il une tâche complexe?
Si vous favorisez un management directif et laissez se développer les baronnies technocratiques, probablement. Pas si, au contraire, vous stimulez les dynamiques de groupes et érigez la confiance au rang de principe. La condition d'une "entreprise biologique" en pleine forme, c'est de savoir insuffler du bon sens et de la fluidité dans les relations. L'entreprise est une aventure humaine. Et avoir confiance en l'homme permet de laisser s'exprimer le leadership à chaque niveau de l'organisation. La vocation première d'un bon manager est, au même titre que celle d'un chef d'orchestre, de savoir harmoniser les talents.