La dissolution-confusion : entretien avec Yves Laisné

"Guide pratique de la dissolution confusion" (Editions EFE, 2009)




Méthode de cession et de transmission d’entreprises, la dissolution-confusion est un produit juridique assez peu connu. Désignée parfois sous le sigle de l’un de ses effets, à savoir la Transmission universelle de patrimoine transfrontalière (TUPTRANS), la dissolution–confusion pourrait être pourtant La solution à connaitre pour les entrepreneurs en difficultés. Entretien avec Yves Laisné, docteur en droit, auteur du livre de référence sur les TUP Trans (Guide pratique de la dissolution confusion, EFE, 2009), et l’un des meilleurs spécialistes français du sujet.



Que signifie concrètement « être en difficultés » pour une entreprise ?

Yves Laisné, "Guide pratique de la dissolution confusion", Editions EFE, 2009
Yves Laisné : Être en difficultés, en pratique, c’est être en difficultés de trésorerie. Nous avons eu parfois affaire à des cas différents, mais cela se résume toujours finalement par des difficultés de trésorerie. Ces difficultés peuvent avoir pour origine plusieurs phénomènes.
 
Premier phénomène : l’entreprise a un décalage entre ses ressources et ses besoins. Par exemple, l’entreprise se développe, ce qui crée un besoin en fonds de roulement, mais elle ne dispose pas de suffisamment de fonds propres. Dans ce cas, elle se tourne généralement vers les banques. Dans l’hypothèse où les banques lui refusent le soutien dont elle a besoin, l’entreprise se retrouve en situation de décalage de trésorerie, et donc en difficultés.
 
Deuxième phénomène : l’entreprise fait l’objet d’un impayé client ou d’un retard de paiement important d’un client majeur. Cela peut la mettre en difficultés compte tenu d’échéances à certains délais qu’elle ne pourra pas assumer.
 
Troisième phénomène : pour des raisons qui peuvent être totalement étrangères à l’activité de l’entreprise, une banque lui retire son soutien. Les banques françaises étant très dépendantes de l’Etat, cela revient parfois pour l’Etat à disposer d’un droit de vie et de mort sur les entreprises : les politiques bancaires trouvent leur origine au niveau de la haute fonction publique, sur des critères qui peuvent être purement politiques, sans rapport avec l’économie.
 
Des difficultés peuvent également être provoquées par le fait que le support économique se dérobe : l’entreprise voit son chiffre d’affaires diminuer, mais les charges restent les mêmes. Les entreprises françaises ont la caractéristique de ne pas être très flexibles. Une entreprise qui connait une baisse de son chiffre d’affaires ne peut pas facilement adapter ses charges pour coller aux évolutions de son chiffre d’affaires. Ces rigidités tiennent d’ailleurs pour une bonne partie aux personnels : il n’est pas possible en France de faire évoluer l’effectif en fonction de la conjoncture.

Comment réagissent les entrepreneurs aux prises avec ces situations ?

Les réactions des entrepreneurs sont très diverses. Il y a ceux qui se battent pendant un certain temps et se découragent d’un seul coup. À ce moment-là, c’est le dépôt de bilan. Ce qui est particulier, c’est que lorsque ce déclic se produit, cette forme d’abandon, ils ne sont plus « récupérables ». Nous continuons de proposer des solutions qui leur éviteraient le dépôt de bilan, mais c’est généralement trop tard. C’est en quelque sorte une forme de « suicide économique » déjà consommé. Heureusement, ce n’est pas le cas majoritaire.
 
La plupart cherchent des solutions, qu’ils ne trouvent pas forcément seuls. Concernant ceux qui font appel à nous, nous essayons de leur apporter des solutions en évitant, si possible, d’attendre le dernier moment.

Quelles solutions s’offrent aux entreprises dans ces situations ?

Parmi les solutions, il y a la vente, y compris l’envoi « à la casse », qui revient à vendre l’entreprise à vil prix. Mais, de manière générale, le chef d’entreprises français a du mal à « brader » son entreprise sous prétexte qu’elle ne vaut plus grand-chose. La plupart du temps, cela se termine donc par le dépôt de bilan, ce qui constitue la pire des solutions. Nombre de chefs de PME ignorent qu’ils entrent de ce fait dans une mécanique implacable, appelée tribunaux de commerce, ou plutôt la « Mafia des tribunaux de commerce », selon le titre de l’ouvrage d’Antoine Gaudino.

Quelles réponses la dissolution-confusion apporte-t-elle pour les entrepreneurs ?

Dans le cas d’entreprises en difficulté, où nous parlons de « défaisance »,  la dissolution-confusion permet à un entrepreneur de réaliser un transfert de l’actif et du passif de sa société (contenant les diverses dettes) vers une société étrangère, en toute légalité. Compte tenu de la difficulté des institutions de recouvrement à traverser une frontière (difficultés tenant aux capacités d’adaptation de ces institutions plus qu’au droit lui-même, qui permet la collaboration fiscal internationale), l’entrepreneur peut gagner le temps nécessaire au redressement de son entreprise.
 
Grâce à la dissolution confusion, l’entrepreneur reste de plus aux commandes de son entreprise. Concrètement, l’entrepreneur va, dans un premier temps, créer la structure de reprise du fonds de commerce. Concernant la structure à l’étranger, nécessaire dans un second temps, il y a deux hypothèses : soit nous procurons une structure nous-mêmes, soit le maitre de l’affaire fait sa propre opération de vente splittée en bloc. Dans ce dernier cas, via une opération juridique appelée Transmission universelle de patrimoine (TUP), il commence par se vendre le fonds de commerce à lui-même. Ensuite, il se vend « la coquille société » toujours à lui-même, mais via une société étrangère qu’il possède ou que l’on a constitué pour lui. Il continue de gérer les affaires des deux côtés avec notre assistance pour la partie dissolution de la TUP. On parle dans ce cas de TUP transfrontalière ou TUPTRANS.
 
Notre produit juridique conserve un avantage pour le créancier : les institutions de recouvrement qui décideraient de mener à leurs termes les investigations disposent toujours d’un interlocuteur. Elles ne sont ni flouées ni trompées.

Il existe des « méthodes » moins scrupuleuses ?

Les entrepreneurs doivent se garder de solutions proposées par certains cabinets proposant des TUPTRANS, selon des procédés peu scrupuleux sur le plan du droit et de l’éthique. Certains proposent par exemple à des entrepreneurs en difficultés la création d’une société de type Limited en Angleterre, dans les cas les plus fréquents. Ils fusionnent ensuite dans cette société Limited, ce qui est déjà discutable au regard du droit anglais. Une fois la TUPTRANS réalisée vers cette Limited, ils la dissolvent immédiatement, une démarche aisée en Angleterre. De fait, la partie « société », détenant tout le passif sur lequel porte le contentieux, disparait. Elle cesse d’être un être juridique sur lequel peut porter un acte judiciaire, tel un contrôle fiscal ou une procédure de recouvrement. Or ce cas de figure prive littéralement les créanciers de tout recours.
 
Les opérateurs qui réalisent des TUPTRANS avec des sociétés qui disparaissent le lendemain, en profitant des facultés de dissolution des entreprises à l’étranger, privent littéralement le créancier des possibilités d’être vigilants. Il y a là très clairement une forme de malhonnêteté. Le fait de faire disparaitre la confondante immédiatement après la TUPTRANS me parait une faute, même si je ne peux pas la qualifier juridiquement. Dans les solutions de dissolution-confusion que nous proposons, les confondantes durent dans le temps et existent comme toute entreprise : elles ont un siège, des bureaux, des collaborateurs permanents, elles paient des impôts, gèrent le courrier et, lorsqu’il le faut, négocient avec les créanciers…


30 Juillet 2014