Marie Legrand, directrice générale d'Audio 2000 : "Nos métiers sont au croisement entre vocation médicale et projet entrepreneurial"




Entre vieillissement de la population et baisses de l'audition précoces chez des populations de plus en plus jeunes, le secteur de l'audioprothèse ne risque pas de tomber en désuétude. D'autant plus que les progrès du diagnostic, de la prise en charge et des appareils ont été spectaculaires en l'espace de deux décennies. Pour Entreprises & Décideurs, Marie Legrand, directrice générale d'Audio 2000 revient sur le modèle de développement d'un des leaders du secteur.



Marie Legrand, vous étiez opticienne-audioprothésiste avant de prendre la direction d’Audio 2000 en 2018. Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel ?
 
Je suis issue d’une famille d’opticiens et d’audioprothésistes. J’ai fait des études d’optique et d’audioprothèse et j’ai été particulièrement intéressée par ce deuxième métier en raison de l’aspect proximité et de prise en charge de la personne au-delà des caractéristiques du produit vendu. J’ai donc exercé le métier d’audioprothésiste avec enthousiasme de 2009 à 2017, avant de suivre de nouvelles études dans le cadre d’un MBA de management général, à la suite desquelles j’ai créé des centres d’audioprothèses. J’ai ensuite eu l’opportunité de faire mes armes dans l’univers des mutuelles et plus particulièrement au sein des réseaux de soin.  Cela m’a permis de voir l’envers du décor de la profession, de rencontrer différents intervenants et une autre manière d’aborder le métier, mais toujours avec pour philosophie la qualité de prise en charge des patients. J’ai rejoint ensuite Audio 2000 en 2018 avec des connaissances techniques, managériales, et une vision de l’univers mutualiste qui m’ont peut-être manquées lorsque j’ai créé mon entreprise. 
 
Prix, esthétique, durée d’utilisation… quelle est la stratégie mise en place par Audio 2000 pour lever les éventuels freins à l’appareillage ?

Les personnes sont souvent réticentes à se faire appareiller, mais finalement, le handicap que représente la perte d’audition est plus visible lorsqu’on demande à ses interlocuteurs de répéter leurs propos plutôt que de porter un appareil miniature. Nous avons des patients qui arrivent avec un déficit auditif généralement lié à la vieillesse. La perte auditive est assez insidieuse dans la mesure où elle arrive progressivement. Un appareil auditif va permettre de mieux entendre, mais aussi de mieux comprendre la parole. Cela s’explique par le lien entre l’oreille et le cerveau. Un appareil auditif ne vient pas stimuler l’oreille, mais le cerveau. Ainsi, plus on attend avant de mettre un appareil auditif, plus le risque grandit de ne pas pouvoir récupérer cette compréhension. Le risque ultime est alors d’entrer dans un phénomène de déclin cognitif. Mais la meilleure façon de convaincre une personne reste de lui faire essayer un appareil. Ainsi, nous proposons des essais gratuits d’appareillage d’une durée d’un mois lorsque cela s’avère utile et après s’être assuré auprès d’un ORL qu’il n’existe aucune contre-indication à un appareillage.

Comment se positionnent Audio 2000 et ses audioprothésistes au sein du parcours de soin ?

Nos métiers sont au croisement entre vocation médicale et projet entrepreneurial. Nous avons un statut de commerçants avec une forte dimension paramédicale, car nous sommes des accompagnants techniques. Nous devons proposer des aides auditives, les régler en fonction des besoins de chacun. Il s’agit là d’un travail sur-mesure. Il y a aussi un aspect psychologique pour aider à l’acceptation et passer le cap parfois difficile où le futur patient à des craintes au niveau de l’esthétisme, du fonctionnement de l’appareil et surtout du regard des autres. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de la prise en charge psychologique dont doit pouvoir bénéficier le patient dans le cas d’une audioprothèse. Ce sont des personnes que l’on va suivre pendant des années et qu’on voit plusieurs fois par an. Dans nos campagnes de publicité, nous avons par exemple fait le choix de faire intervenir des personnes plus proches de quarante ans que de soixante-dix ans. Cette volonté de rajeunir l’image du client s’accompagne d’une démarche active afin que les personnes poussent la porte de nos centres pour y passer des tests gratuits. Nous ne forçons pas à l’achat ; nous menons avant tout un travail de prévention.

Concrètement, quels sont pour vous les enjeux à venir pour l’enseigne Audio 2000 ?
 
En termes de développement, notre volonté est de préserver notre indépendance vis-à-vis des grands marques d’appareils. C’est un principe auquel nous tenons dans nos trois enseignes, la liberté de choix et la liberté d’exercice étant dans notre ADN. Certains acteurs de notre secteur parviennent à gagner d’importantes part de marché, ce qui fragilise ce principe d’indépendance. C’est pourquoi nous nous sommes lancés dans le rachat de nos propres centres. En les passant sur le modèle succursaliste, nous pouvons préserver cette indépendance.
 
Sur un marché très concurrentiel, quelle est la stratégie d’Audio 2000 pour atteindre cet objectif ?

Nous souhaitons devenir le numéro un des enseignes de l’audioprothèse, avec une croissance organique de 25 à 30 nouveaux centres par an. Pour atteindre cet objectif, nous proposons toute une gamme de services, adaptés à chacun. A titre d’exemple, nous pouvons étudier l’influence des mutuelles sur un territoire donné et adapter la stratégie locale. Nous accompagnons aussi nos franchisés dans leurs relations avec les prescripteurs comme les médecins généralistes et ORL. A chaque fois, l’idée motrice est d’aider nos franchisés à franchir les barrières administratives toujours plus complexes (création d’entreprise, parcours pour se faire reconnaître par la sécurité sociale). Tous les services proposés qui facilitent la vie du chef d’entreprise et qui permettent à l’audioprothésiste de se consacrer à son cœur de métier.

Existe-t-il un « profil type » du franchisé Audio 2000 ? Qu’attendez-vous des franchisés du réseau ?
 
Nous avons des profils très différents avec des personnes qui se sont installées il y a deux décennies et d’autres plus jeunes qui nous rejoignent. Cela nous permet de procéder à des échanges riches pour tous lors de nos rencontres. Mais nous ne nous mêlons pas du travail des audioprothésistes. Nous ne leur disons pas ce qu’ils doivent vendre ou faire. Nous sommes là pour leur faciliter la vie et apporter des services parfois qui peuvent s’avérer coûteux lorsque l’on travaille seul. Comme toute franchise, nous mutualisons nos forces pour prendre certaines choses en charge, au niveau du marketing par exemple, avec des accompagnements locaux, nationaux et sur les relais digitaux.

Que diriez-vous à un audioprothésiste désireux de se lancer en tant que chef d’entreprise ?

Se lancer dans l’entrepreneuriat est une belle aventure. C’est un défi qui n’engendre pas beaucoup de risques finalement, surtout lorsqu’on est accompagné par une enseigne. C’est aussi et avant tout une aventure humaine. Les dimensions collaborative, participative et de partage sont prégnantes et enrichissantes au quotidien. C’est pourquoi, je ne peux qu’encourager les audioprothésistes et tous ceux qui ont la fibre entrepreneuriale à se lancer et à nous rejoindre.


23 Novembre 2020