Sanofi cède Opella : Doliprane, symbole d’une politique industrielle en péril




La vente d’Opella, filiale de Sanofi responsable de la production du Doliprane, au fonds américain CD&R, suscite de vives inquiétudes dans les milieux industriels et politiques français. Emmanuel Macron s’est personnellement impliqué pour tenter de préserver la souveraineté pharmaceutique nationale, dans un contexte marqué par les pénuries de médicaments et les récentes délocalisations industrielles.



Où en sont les tractations concernant la cession de Doliprane ?

La cession de Doliprane par Sanofi à un fonds d’investissement américain n'est pas considérée comme une simple transaction financière mais comme un dossier hautement stratégique pour la souveraineté industrielle française. Depuis plusieurs mois, Paul Hudson, directeur général de Sanofi, a mené des négociations serrées avec le gouvernement français pour trouver un compromis, suite à l’annonce de la vente de plus de 50 % de sa filiale Opella à Clayton, Dubilier & Rice (CD&R). Cette filiale regroupe la commercialisation de médicaments sans ordonnance, dont le célèbre Doliprane.

Face à la pression du gouvernement, Sanofi a accepté des concessions importantes. Sous l'impulsion d’Emmanuel Macron, l'État a obtenu des garanties pour assurer la continuité de la production sur les sites de Lisieux et Compiègne pendant au moins cinq ans. Ces engagements incluent des clauses pénales en cas de non-respect des accords. La banque publique d'investissement, Bpifrance, entrera également au capital d'Opella, avec une participation minoritaire destinée à surveiller la mise en œuvre des engagements .

Paul Hudson a reconnu que Sanofi avait dû composer avec des attentes gouvernementales élevées. Il évoque des « discussions difficiles » avec les ministres Antoine Armand, ministre de l'Économie, et Marc Ferracci, ministre de l'Industrie. Il souligne toutefois que le gouvernement a réussi à obtenir l'essentiel de ce qu’il désirait. 

Un mauvais signal pour la politique industrielle de Macron

Si le gouvernement a pu obtenir des garanties sur le court terme, la vente d’Opella constitue un signal inquiétant pour la politique industrielle française. Depuis plusieurs années, la France voit ses fleurons industriels passer sous pavillon étranger. L’affaire Doliprane n’est que le dernier exemple en date, venant s’ajouter à une longue liste de cessions qui fragilisent l’indépendance industrielle du pays. De plus, la pandémie de Covid-19 a mis en lumière les dangers d’une trop grande dépendance aux chaînes d’approvisionnement internationales, avec des pénuries criantes de médicaments essentiels comme le paracétamol en 2020. Les ruptures d’approvisionnement ont touché d’autres médicaments essentiels, notamment certains antibiotiques et vaccins, soulignant la vulnérabilité de l’industrie pharmaceutique nationale. L’incapacité à garantir une production nationale suffisante de médicaments clés a révélé les faiblesses structurelles de la politique industrielle actuelle. Malgré la volonté affichée du gouvernement de relocaliser des productions stratégiques, la vente d’Opella au fonds américain va dans le sens inverse.

Les syndicats, notamment la CGT Sanofi, ont fait part de leur inquiétude face à une possible délocalisation des emplois. Les sites de Lisieux et Compiègne, malgré les promesses de maintien, sont perçus comme vulnérables à moyen terme. Les salariés de ces sites, ainsi que ceux de Sisteron, ont exprimé leur solidarité en lançant une grève illimitée pour protester contre cette décision qu’ils jugent dangereuse pour l’avenir de l’emploi en France. Pour la CGT, la politique industrielle actuelle, qui facilite les cessions à des groupes étrangers, compromet non seulement les emplois, mais aussi la souveraineté sanitaire du pays .


23 Octobre 2024