Technologies autoroutières : Vinci en pointe sur le marché américain




Au sud-est de Los Angeles, l’opérateur autoroutier français Vinci a développé une autoroute d’un nouveau genre, entre péage dématérialisé, voies spécifiques et tarifs modulables. Une expérimentation qui pourrait trouver sa place sur le réseau français. Genèse d’une success story tricolore outre-Atlantique.



San Bernardino, Riverside, Corona, Orange County, Anaheim, Los Angeles… la route est belle et vallonnée. Mais surtout hyper fréquentée, chaque jour de l’année. Sur les hauteurs de la Cité des anges, un tronçon de 29km de l’autoroute 91 – entre les villes de Corona et d’Anaheim – attire les regards du monde entier, grâce à ses « Express Lanes ». Laboratoire à ciel ouvert, ces quelques kilomètres d’autoroutes cumulent plusieurs modes opératoires pour maximiser la fluidité du trafic routier et minimiser le stress des usagers.
 
Contrat renouvelé pour 7 ans
 
Aux commandes du projet depuis 1995, partenaires privilégiés grâce leur participation dans l’entreprise américaine TollPlus, Vinci Highways et sa filiale Cofiroute USA ont vu renouveler leur contrat de gestion de cette autoroute par les deux autorités de régulation concernées, OCTA (Orange County Transportation Authority) et RCTC (Riverside County Transportation Commission). Montant du nouveau contrat signé en 2020, pour une durée de sept ans : 66 millions d’euros. « Vinci Highways délivre des infrastructures et des services routiers fiables, performants et innovants en s’adaptant en permanence aux besoins de ses clients, explique le président de Vinci Highways. Cette approche agile est déterminante pour poursuivre notre dynamique de croissance dans les solutions de mobilité, notamment aux Etats-Unis où nous sommes présents en Californie et au Texas, ou encore en Europe, avec l’autoroute M50 de Dublin en Irlande. Ce nouveau contrat constitue le troisième projet en moins de deux ans où une autorité gouvernementale nous confie la mise en œuvre de solutions complètes, grâce à notre expertise en maîtrise d’ouvrage, en exploitation et en technologies backoffice. »
 
Outre-Atlantique, les cinquante Etats sont en quête permanente de partenariats publics-privés pour la construction et la rénovation des infrastructures de transport, les autorités fédérales n’ayant pas forcément les moyens financiers pour prendre en charge de tels investissements, partout dans le pays. La filiale américaine de Vinci a donc su tirer son épingle du jeu, et proposer des solutions innovantes. Mais concrètement, comment cela se passe-t-il sur le terrain ?
 
Des péages sans s’arrêter
 
En Californie, les autoroutes sont reines. Elles sillonnent tout l’Etat, dans les montagnes et sur la côte. Avec quelque 37 millions de déplacements enregistrés tous les ans, l’autoroute 91 Express Lanes fait partie des axes les plus fréquentés. Dès 1995, l’opérateur français y a développé un système « free flow » (péage sans arrêt), le tout premier au monde. Pour éviter de perdre du temps au péage, les automobilistes équipent ainsi leur véhicule d’un transpondeur FasTrak (sous forme de boîtier ou de vignette électronique), lié à un compte prépayé. A chaque passage, le compte en question est débité. Jusqu’à présent, le tronçon géré par Cofiroute USA revendique 150000 utilisateurs réguliers et donc autant d’abonnés. A noter au printemps 2020, la pandémie du Covid-19 a violemment freiné l’utilisation de cette autoroute, si bien que l’OCTA et la RCTC ont décidé d’annuler les frais d’abonnement pour les automobilistes ayant été contraints de rester à la maison pour télétravailler.
 
A l’entrée de l’autoroute, deux options se proposent aux automobilistes : le « freeway » habituel, gratuit sur quatre voies, mais dont la congestion aux heures de pointe ressemble – au quotidien – au péage de Saint-Arnoult en plein chassé-croisé entre juilletistes et aoûtiens, et le « tollway », tronçon à péage payant pour les conducteurs, sur deux voies. A l’entrée, deux tarifs sont affichés, soit pour un trajet total soit pour un trajet partiel. Une fois engagé sur l’Express Lane, l’automobiliste rejoint les deux voies centrales où la circulation est beaucoup moins dense, séparées des voies normales par des piquets en plastique.
 
Une file réservée aux véhicules d’au moins trois occupants
 
Autre innovation : le développement du covoiturage, à l’image de ce que Vinci Autoroutes est en train de promouvoir en France. Encore fallait-il trouver les bonnes incitations pour le marché américain. Ici en Californie, les solutions de Vinci Highways ont été convaincantes : accès gratuit aux véhicules convoyant trois personnes ou plus, s’engageant sur la voie spécifique (marquée du panneau HOV+3) prévue pour eux, au niveau des entrées de l’autoroute 91, et réduction de 50% du lundi au vendredi sur la tranche horaire 16-18h, vers l’est (dans le sens de la sortie du centre-ville vers les zones périurbaines). Cette file spéciale est également destinée aux motocyclistes et surtout aux détenteurs de voitures électriques.
 
Inévitablement, il arrive que des resquilleurs empruntent les voies rapides sans payer. « En juillet 2019, environ 440000 véhicules ont profité frauduleusement du discount accordé aux véhicules partagés, sur 1,5 million de véhicules, explique Megan Abba, porte-parole de l’Orange County Transportation Authority. Par conséquent, l'OCTA est en train de travailler sur une technologie permettant de détecter le nombre d'occupants des voitures, via des caméras ou de capteurs spéciaux. » A noter que ce type de technologie est également en cours d’expérimentation en France.
 
Des tarifs modulables
 
La gestion de l’autoroute 91 Express Lanes permet également une modularité des tarifs en fonction de l’heure de la journée, les tarifs étant ajustés tous les trimestres selon le trafic. « L’autoroute 91 Express Lanes utilise un protocole de gestion de la congestion routière et ajuste ainsi le tarif des péages chaque trimestre, en fonction du nombre de véhicules, explique le site américain Octa.net. Depuis 1995, les automobilistes plébiscitent cette alternative devenue un moyen fiable et sûr d’être à l’heure, que ce soit pour aller au travail, rentrer chez soi ou aller faire des courses. » Cette modularité horaire des tarifs répond à trois exigences principales : réduire la probabilité de congestion en détournant le trafic vers d’autres heures moins chères, maintenir la vitesse maximale des véhicules et donc les économies de temps, et, enfin, maintenir le niveau de rentrées financières pour l’opérateur. Ces changements de tarifs sont annoncés aux automobilistes dix jours avant leur entrée en vigueur.
 
Initialement, le tronçon d’un genre nouveau ne faisait qu’une dizaine de kilomètres. Mais l’expérience a séduit les pouvoirs publics et, en 2017, Vinci Highways a donc obtenu une première rallonge. Un succès qui fait tache d’huile. Car aux Etats-Unis, Vinci Highways n’exploite pas que l’autoroute 91 en Californie. A l’autre bout du pays, au Texas, l’entreprise française et sa filiale américaine gèrent aussi, depuis 2018, l’autoroute entre Austin et Tyler, ainsi que tous les accès à l’aéroport international d’Austin. Les autorités américaines assurent de leur confiance l’entreprise française dont les innovations se retrouvent peu à peu sur les autoroutes hexagonales.


27 Février 2021