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L'humain, variable clé des modèles d'entreprises performantes







L'humain, variable clé des modèles d'entreprises performantes

S'interroger sur la pertinence du modèle de gouvernance économique

On perçoit toujours les grandes entreprises comme des navires hyper-capitalistiques secoués au gré des tempêtes financières. A tort. Tous les champions sectoriels ne sont pas forcément gouvernés par des assemblées d'actionnaires avides de dividendes. Il existe en effet des modèles de gouvernance qui, n'étant pas exagérément financiarisés, ressortent de la crise en brandissant un bilan presque insolent. Mais lesquels? Souvent articulées autour du principe de proximité et de mutualisation des moyens et des risques, les SCOP (sociétés coopératives et participatives) ont le vent en poupe. Il s'agit d'un régime juridique qui permet la plupart du temps aux salariés d'être les associés majoritaires d'une entreprise, de participer aux décisions et d'élire leurs dirigeants. Or ces entreprises ont doublé leur CA en l'espace de dix ans.

Et leur succès est croissant: chaque année, ce sont en moyenne 200 nouvelles coopératives qui se créent. Soumises à un impératif de rentabilité, comme toute autre forme d'entreprise, elles se distinguent néanmoins par un mode de répartition des résultats qui favorise la pérennité de l'emploi et du projet d'entreprise. Pour preuve, «40 à 45 % des bénéfices sont systématiquement affectés à des réserves qui restent dans l'entreprise pour consolider ses fonds propres et sa capacité d'investissement», souligne Patrick Lenancker, président de la Confédération Générale des SCOP. Autre facteur de stabilité: une coopérative n'est pas "opéable", puisque les associés extérieurs sont limités à 49% du capital social et 35% du droit de vote.Et ce régime juridique n'est pas, contrairement aux idées reçues, réservé aux groupements de producteurs agricoles. On trouve aussi bien des coopératives dans les domaines de l'industrie, du bâtiment ou des services.

Le secteur de la grande distribution n'est pas en reste, avec des enseignes comme Leclerc, Les Mousquetaires ou Système U par exemple qui fonctionnent sur un mode coopératif mais cette fois détenu par les membres propriétaires de magasins. L'une des plus célèbres enseignes hexagonales à fonctionner de cette manière est Optic 2000, fondée par quatre opticiens en 1962 sous la forme d'un groupement d'achats. Aujourd'hui, le groupe Optic 2000 est devenu la première enseigne hors alimentaire, et leader français de la distribution optique.Les raisons du succès d'Optic 2000? Probablement une stratégie de développement raisonné et perspicace plutôt qu'une insatiable lubie de conquête. Le groupe, qui compte plus de 1000 magasins adhérents, croît sereinement sous le pilotage avisé d'Yves Guénin: "Ce n'est pas parce qu'on est une coopérative qu'on doit s'interdire l'internationalisation. Mais le bénéfice doit se faire au niveau de la coopérative". Son mot d'ordre: garder à l'esprit l'essence même du groupe Optic 2000. "L'enseigne a été lancée en 1969 comme un label fédérateur d'un groupement qui était, au départ, une centrale d'achats", déclarait Yves Guénin en 2002. Optic 2000, c'est aussi un mode de développement basé sur le maillage du territoire, qui va de paire avec la responsabilité sociale du groupe, chère à Yves Guénin. Ce dernier entend bien renforcer "le lien de proximité au niveau local", au même titre que le font certaines entreprises pilotées par l'Etat remplissant une mission de service public. La qualité humaine de la relation entre l'entreprise et ses clients va-t-elle reprendre le dessus, après des années de dématérialisation, d'externalisation offshore du CRM, et de "e-consommation" compulsive? La politique de proximité, néanmoins, est parfois difficilement conciliable avec l'impératif d'optimisation financière, c'est un fait... Mais l'exemple d'Optic 2000 démontre que le nouveau nerf de la guerre, c'est la relation, pas l'argent.

Accessoirement, se réconcilier avec l'opinion

Quand l'opinion se fâche avec le monde de l'entreprise, c'est un divorce annoncé avec le travailleur, mais aussi avec le consommateur qu'il représente par ailleurs. Depuis quelques années, l'opinion vilipende le monde de l'entreprise qui, à ses yeux, rechigne à prendre conscience de son rôle social structurant. Du coup, sa perception par le grand public s'est considérablement altérée, et le consommateur n'hésite plus à sanctionner l'entreprise à travers ses choix de consommation. Pour Jean-Damien Pô, "le public s’émeut désormais de voir les préoccupations de l'entreprise se détourner si ostensiblement du territoire national. La figure rassurante du capitaine d’industrie s’efface, tandis que grandit le fantasme du « mercenariat » des grands patrons." Autrement dit, l'entreprise doit renouer avec l'intérêt collectif. La manie bien gauloise consistant à réduire l'état de l'opinion aux sondages de consommateurs doit laisser la place à une attitude citoyenne de l'entreprise, que réclament nos compatriotes, mais que l'entreprise n'entend pas toujours.

En 2008, le quotidien Les Echos relevait que "la responsabilité en matière de santé des entreprises et des collectivités locales joue un rôle grandissant dans l'opinion publique. Au-delà de la responsabilité en ce qui concerne la prévention des risques (pollution, alimentation, sécurité...), l'opinion attend des entreprises une politique active d'information, d'éducation et de promotion de la santé de leurs salariés et de leurs clients, voire de la société civile en générale." Yves Guénin, cité précédemment, abonde en ce sens. Il déclarait récemment dans un grand quotidien national: "l'entreprise contemporaine ne peut plus faire l'économie de l'action sociale, sa responsabilité humaine est devenue bien trop lourde. Soyons sérieux: pour une multinationale, ce n'est pas une question de moyens, mais d'abord une question de volonté."Jean-Luc Allavena, du fonds d'investissement Appolo, est tout aussi catégorique: "on ne peut se satisfaire d'une société dans laquelle les uns et les autres prennent ce qui les intéresse et ne rendent rien." Il ajoute: "en France, on n'est pas éduqué au don".

"Citizens are watching you"

Cette façon qu'a l'opinion d'interpeller la conscience collective n'est-elle pas légitime, en fin de compte, dans une période où l'on exige du salarié une implication croissante en vue de participer à l'effort de résistance à la crise? C'est un fait établi: la nature de la relation entre l'économie et le social a changé. Et c'est la faculté des entreprises à mettre en oeuvre un système de valeurs responsables qui conditionnera, demain, le degré d'adhésion des Français à leurs entreprises. Car "l'histoire marketing" récente a démontré que le consommateur consentait à payer le prix fort; pour peu qu'il ait le sentiment de faire un choix de consommation "utile", ou dans une moindre mesure, non préjudiciable. Une entreprise humaine est aujourd'hui une entreprise plébiscitée; et donc fermement soutenue par le "consomm'acteur".

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31 Juillet 2011