Entreprises & Décideurs
Corporate management: information pour les dirigeants

Entreprises & Décideurs

Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable

Décarbonation industrielle : les dirigeants veulent agir, pas deviner





Le 24 avril 2025, lors du sommet ChangeNOW, le groupe Equans a révélé les résultats d’une enquête menée avec OpinionWay auprès de 1 336 décideurs d’entreprises industrielles en Europe. Objectif : prendre le pouls de la décarbonation dans les PME et ETI du continent. Entre ambition affichée et exécution concrète, les résultats de cette étude lèvent le voile sur les véritables perceptions des entreprises industrielles.



Décarbonation : un concept plébiscité mais une pratique sous tension

Décarbonation industrielle : les dirigeants veulent agir, pas deviner
D’un côté, les chiffres sont sans appel : 94 % des dirigeants européens interrogés jugent la décarbonation compatible avec leur métier. Mieux, 95 % affirment avoir engagé une réflexion, voire une mise en œuvre opérationnelle. L’affaire semble entendue. Pourtant, le contraste est cruel : seules 43 % des entreprises déclarent avoir réellement déployé des actions concrètes.

Pourquoi une telle dissonance entre convictions et actions ? Un mot revient sans cesse : complexité. Selon le rapport Equans, « 32 % des dirigeants industriels considèrent que les solutions proposées sont trop complexes » (CP Sondage Décarbonation Equans x OpinionWay Wiztrust, 24 avril 2025). Ajoutez à cela des investissements jugés démesurés (27 % des sondés), et l’élan se grippe. Les discours politiques n’arrangent rien : 59 % des entreprises estiment qu’ils « freinent leur transition ».

Dans cette cacophonie, certaines nations se distinguent. Le Royaume-Uni caracole en tête : 53 % de ses entreprises industrielles ont initié des actions de décarbonation, contre seulement 36 % en France. Le Royaume-Uni semble prendre au sérieux ce que d’autres traitent encore comme un slogan.

Conviction écologique ou injonction économique : qui pilote vraiment ?

Derrière les chiffres, l’étude révèle un facteur souvent occulté : la personne du dirigeant. Si l’État reste un facilitateur attendu, ce sont les convictions personnelles qui semblent les véritables moteurs du changement. Dans 44 % des cas, c’est l’engagement écologique du dirigeant qui déclenche le passage à l’action. En France, cette part grimpe à 49 %, reléguant les incitations publiques au second plan (28 %).

Cette autonomie assumée a un revers : une demande claire de visibilité. Les chefs d’entreprise réclament des cadres lisibles, durables, dépolitisés. « Elles vont de l’avant, mais freinent leurs ambitions, faute de visibilité sur les réglementations et le prix de l’électricité, faute de solutions simples et de financement », alerte Jérôme Stubler, président d’Equans. Le politique, paradoxalement, est à la fois le moins crédible pour inciter, et le plus attendu pour simplifier.

Solutions techniques : une décarbonation plurielle et sectorielle

Loin des postures idéologiques, la réalité du terrain s’écrit en kilowatts, en litres et en matières premières. Les solutions concrètes déployées par les entreprises forment un inventaire technique :
  • 57 % misent sur l’efficacité énergétique,
  • 52 % privilégient la circularité pour réduire eau et matières premières,
  • 92 % optent pour des énergies renouvelables,
  • 80 % déploient des panneaux solaires ou du stockage énergétique.
Mais tous ne jouent pas dans la même cour. Les grandes structures investissent massivement dans le solaire. Les petites ETI, elles, préfèrent l’électrification des processus. Les entreprises belges brillent par leur maîtrise de la circularité (73 %), quand les britanniques dominent en performance énergétique (74 %).

Certains secteurs se montrent plus réactifs : l’agroalimentaire, notamment, semble optimiste, tandis que les entreprises de haute technologie jugent la tâche « utopique » voire inaccessible.

Un chantier de longue haleine, une vision à structurer

92 % des dirigeants le disent : la décarbonation est un chantier de long terme. Une course d’endurance. Mais si la stratégie est claire, le chemin, lui, reste semé d’embûches. Chaque pays exprime des inquiétudes spécifiques : en France, le coût, la complexité et le cadre réglementaire se disputent la première place des freins. Outre-Manche, c’est la chaîne d’approvisionnement qui pose problème.

Un consensus, néanmoins, émerge : sans simplification, sans lisibilité, sans cadre stable, la dynamique restera confinée à une minorité d’acteurs. Car derrière les statistiques rassurantes se cache une réalité tenace : l’immobilisme de la majorité silencieuse.

Les entreprises industrielles européennes savent ce qu’il faut faire. Elles disposent même, dans une majorité de cas, des technologies adaptées. Pourtant, elles avancent lentement, trop lentement. Parce que les incitations restent floues, les obstacles trop techniques, et l’environnement politique instable. Ce n’est pas la volonté qui manque, mais la visibilité stratégique. À quand un écosystème lisible, constant, ambitieux ?


24 Avril 2025