Laurent Combalbert - Fondateur d'Ulysceo
Entreprises & Décideurs : Comment définissez-vous une crise ?
Laurent Combalbert : Il s’agit là d’une question plus délicate qu’il n’y paraît. Définir la crise est bien souvent la première difficulté que rencontrent les entreprises qui y sont confrontées. Il n’existe en effet pas de définition absolue et incontournable de ce qu’est une crise. Au sein d’une entreprise en crise, cette définition est d’ailleurs à même de varier ; d’un service à l’autre par exemple les critères de définition peuvent être différents. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la question que vous posez constitue la première étape d’une gestion de crise.
Toutefois, les crises ont bien sûr des traits communs. Toutes les crises ont un impact. Elles sont aussi porteuses d’incertitude. L’exceptionnalité est également caractéristique de ces situations. Exceptio veut dire en latin : « qui déroge à la règle commune ». Cette caractéristique, que l’on retrouve dans toutes les crises, implique notamment que ces évènements ne peuvent être gérés à l’aide de techniques et de moyens habituels. Ainsi, l’intégration d’un large ensemble de parties prenantes et la création des modes de management sont des impératifs posés par toute situation de crise.
Toutefois, les crises ont bien sûr des traits communs. Toutes les crises ont un impact. Elles sont aussi porteuses d’incertitude. L’exceptionnalité est également caractéristique de ces situations. Exceptio veut dire en latin : « qui déroge à la règle commune ». Cette caractéristique, que l’on retrouve dans toutes les crises, implique notamment que ces évènements ne peuvent être gérés à l’aide de techniques et de moyens habituels. Ainsi, l’intégration d’un large ensemble de parties prenantes et la création des modes de management sont des impératifs posés par toute situation de crise.
E&D : Une crise est donc toujours exceptionnelle. Comment appréhende-t-on dès lors un objet qui ne se caractérise pas par sa récurrence lorsque l’on est décideur ?
L.C.: Il y a là une difficulté indéniable, mais elle n’est pas incontournable. On peut se préparer à l’éventualité d’une crise. Pour cela, il est indispensable d’accepter qu’il puisse y avoir des choses qui échappent à notre contrôle. Je ne parle pas là de résignation, mais d’une logique semblable à celle qui nous pousse à contracter une assurance automobile. En tant que conducteur, on ne souscrit pas à une assurance parce qu’on anticipe d’avoir un accident mais pour en minimiser l’impact dans l'hypothèse où un tel évènement se produisait. Il en va exactement de même pour la gestion de crise. Faire la démarche d’accepter l’inattendu constitue le prérequis indispensable afin de parer aux éventualités indésirables qui pourraient survenir au détour d’un hasard.
Dans la pratique, cette démarche d’ouverture sur l’imprévu se traduit par l’établissement de référentiels en vue de se doter des réflexes d’analyse de l’information, de prise de décision et de conduite qu’on espère ne jamais devoir utiliser, mais qui seront opérationnels si une crise arrive. Je ne parle pas ici de procédures : les procédures ont tendance à cantonner la réflexion à des solutions qui ne sont pas forcément à même de résoudre la situation. Les référentiels au contraire sont une collection de questions incontournables qu’il faut toujours se poser et dont les réponses se trouvent dans la situation qui s’impose à l’entreprise. Ces réponses sont donc toujours contextuelles et servent de base à une réflexion spécifique en vue d’une résolution plus fine de la crise rencontrée.
Dans la pratique, cette démarche d’ouverture sur l’imprévu se traduit par l’établissement de référentiels en vue de se doter des réflexes d’analyse de l’information, de prise de décision et de conduite qu’on espère ne jamais devoir utiliser, mais qui seront opérationnels si une crise arrive. Je ne parle pas ici de procédures : les procédures ont tendance à cantonner la réflexion à des solutions qui ne sont pas forcément à même de résoudre la situation. Les référentiels au contraire sont une collection de questions incontournables qu’il faut toujours se poser et dont les réponses se trouvent dans la situation qui s’impose à l’entreprise. Ces réponses sont donc toujours contextuelles et servent de base à une réflexion spécifique en vue d’une résolution plus fine de la crise rencontrée.
E&D : Une crise traduit-elle nécessairement un défaut de compétence du décideur ?
L.C.: On pourrait le penser. Notre culture suppose qu'un chef d’entreprise est toujours responsable de ce qui advient de son organisation. Mais aujourd’hui de nombreuses organisations sont touchées par des crises dont elles ne sont pas à l’origine. Si une entreprise de grande distribution entre en crise parce que sa chaîne logistique s’est arrêtée et que son fournisseur ne la livre plus, elle est impactée par la crise, mais elle n’est pas à son origine. Dans un tel cas de figure, faire porter la responsabilité de cette défaillance logistique au dirigeant serait un raccourci excessif.
De nos jours, la multiplicité des interactions de l’entreprise avec ses partenaires fait que sa capacité de contrôle sur les évènements et sa responsabilité ne sont jamais totales. L’entrepreneur n’est donc pas responsable de tout ce qui lui arrive. Il est en revanche toujours responsable du management de la situation, de la façon dont il y réagit. En somme, il est responsable des impacts potentiels que la crise pourrait avoir sur les parties prenantes auprès desquels il s’est engagé. La difficulté est tout à fait excusable, mais la prise de responsabilité n’est jamais une chose à laquelle le dirigeant peut se soustraire. Les situations de crise ne changent pas cet état de fait, bien au contraire.
De nos jours, la multiplicité des interactions de l’entreprise avec ses partenaires fait que sa capacité de contrôle sur les évènements et sa responsabilité ne sont jamais totales. L’entrepreneur n’est donc pas responsable de tout ce qui lui arrive. Il est en revanche toujours responsable du management de la situation, de la façon dont il y réagit. En somme, il est responsable des impacts potentiels que la crise pourrait avoir sur les parties prenantes auprès desquels il s’est engagé. La difficulté est tout à fait excusable, mais la prise de responsabilité n’est jamais une chose à laquelle le dirigeant peut se soustraire. Les situations de crise ne changent pas cet état de fait, bien au contraire.
E&D : Quelles sont, selon vous, les qualités qu’un chef d’entreprise doit savoir mobiliser au cours d’une crise ?
L.C.: Il faut qu’il soit ouvert aux signaux faibles pour les détecter rapidement avant que les complications réelles ne se présentent. Il faut également qu’il sache s’entourer, car on ne gère pas une crise seule : on attend du décideur qu’il prenne une décision. Il doit donc être capable de s’entourer de gens aux compétences complémentaires et différenciées des siennes qui se rapportent à la prise de décision. Cela implique un troisième élément crucial : la confiance. Elle est indispensable pour permettre la délégation de l’exécution des tactiques aux équipes adéquates. La mise en œuvre ne relève jamais du dirigeant ; il doit donc être capable de s’en détacher, mais aussi de désigner des collaborateurs pour s’en charger. Enfin bien sûr, la capacité à garder son calme est très importante, même si les enjeux sont très forts.
E&D : Est-il possible de garder son calme en toute situation ?
L.C.: Il s’agit là d’une question très personnelle. Chaque individu est armé différemment face au stress. L’humilité est un premier facteur de progrès à cet égard. D’expérience en effet, les décideurs qui perdent leur calme sont souvent ceux qui pensaient qu’ils étaient à l’abri et qu’ils pouvaient tout gérer. En situation de crise, ils réalisent alors que ce n’est pas le cas et assouplissent leur perspective. L’effet d’apprentissage est fort dans ce genre de situations extrêmement difficiles.
Avant la crise toutefois, la connaissance de ses propres réactions en situation de tension détermine grandement les capacités de résistance. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est utile de briefer les dirigeants au sujet des effets physiques et émotionnels générés par stress. Il existe en effet des techniques entrainer cette capacité à garder le calme et conserver la maîtrise physique de soi malgré la tension. Quel que soit le niveau de résistance au stress et à la crise d’un individu, il y a donc toujours une marge de progression que l’on peut mettre à profit.
Avant la crise toutefois, la connaissance de ses propres réactions en situation de tension détermine grandement les capacités de résistance. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est utile de briefer les dirigeants au sujet des effets physiques et émotionnels générés par stress. Il existe en effet des techniques entrainer cette capacité à garder le calme et conserver la maîtrise physique de soi malgré la tension. Quel que soit le niveau de résistance au stress et à la crise d’un individu, il y a donc toujours une marge de progression que l’on peut mettre à profit.
E&D : Y’a-t-il des points clés pour gérer une crise en entreprise ?
L.C.: Il y a effectivement des récurrences. La première d’entre elles est la prise de conscience que la gestion de crise est un enjeu de management. Il y a quelques années, la gestion de crise était un deal breaker, une chose superflue dans laquelle le temps investi l’était au détriment des affaires. Aujourd’hui, les perceptions changent et la gestion de crise est vue comme un deal maker ; c’est notamment devenu une pratique qui permet aux entreprises de dire aux clients et aux partenaires : « nous avons des procédures de gestions de crise » et d’envoyer un signal positif en termes de confiance. Pour toutes ces raisons, je pense qu’il est utile que les entreprises prennent du recul par rapport à leur environnement ; elles doivent garder à l’esprit qu’elles n’en sont jamais en totale possession.
La seconde récurrence est qu’un processus de gestion de crise efficace vient toujours du sommet de la hiérarchie. De là, il irrigue ensuite toute l’organisation et devient efficace de tout son potentiel. C’est pourquoi je pense qu'une entreprise souhaitant appréhender correctement le risque doit le faire en impliquant la totalité de ses collaborateurs.
La seconde récurrence est qu’un processus de gestion de crise efficace vient toujours du sommet de la hiérarchie. De là, il irrigue ensuite toute l’organisation et devient efficace de tout son potentiel. C’est pourquoi je pense qu'une entreprise souhaitant appréhender correctement le risque doit le faire en impliquant la totalité de ses collaborateurs.
E&D : Avez-vous le souvenir d’avoir géré une crise particulièrement marquante au cours de votre carrière ?
L.C.: J’ai effectivement en tête de nombreux cas de figure marquants. Pour moi, les crises sont de véritables révélateurs du fonctionnement des hommes et des organisations. J’ai par exemple eu à gérer une crise provoquée par le suicide d’un collaborateur au sein d’un grand groupe français. Le dirigeant du groupe était en charge de la gestion de cette crise dans l’entreprise, mais il était aussi personnellement touché par le décès de ce collaborateur avec qui il entretenait une forte amitié. Tout au long de la crise, cette personne a su garder le recul nécessaire pour gérer la situation au mieux sans pour autant mettre de côté son émotion. Tout le monde a vu qu’il était très affecté sur le plan émotionnel, mais aussi qu’il avait su rester un leader responsable et prendre les bonnes décisions. Au sein de l’entreprise, les collaborateurs ont bien sûr été marqués par cette expérience et ont pris conscience de la grande valeur de leur dirigeant. Cette crise reste pour un souvenir poignant ; il illustre que l’on peut être très performant tout en restant humain même dans les situations les plus difficiles.