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Qui sont les champions de la réindustrialisation en France ?





La France ambitionne de regagner son rang de puissance industrielle en s’appuyant sur un vaste plan de réindustrialisation. Après des décennies de désindustrialisation, marquées par la délocalisation de nombreux savoir-faire et la fermeture d’usines en masse, le gouvernement s’engage dans une reconquête industrielle, portée par des investissements publics et privés massifs. Le plan France 2030, doté de 54 milliards d’euros, illustre cette volonté de redynamiser des secteurs stratégiques tout en répondant aux défis contemporains : transition énergétique, autonomie technologique et souveraineté économique.



Réindustrialisation de la France : les grands groupes en première ligne

L’objectif est clair : augmenter la part de l’industrie dans le PIB à 15 % d’ici 2030, contre environ 10 % aujourd’hui. En mettant l’accent sur un double levier : l’innovation dans des filières d’avenir telles que l’hydrogène vert, les batteries électriques ou la décarbonation de l’industrie, et la revitalisation des territoires par la relocalisation de productions stratégiques.

Les leaders industriels français jouent un rôle clé dans cette réindustrialisation. Parmi eux, Airbus, fer de lance du secteur aéronautique, reste un pilier stratégique. Basé à Toulouse, le constructeur investit massivement dans le développement de nouvelles technologies, notamment les avions décarbonés et les aéronefs électriques. L’objectif est de maintenir la compétitivité de l’industrie aéronautique française tout en soutenant des milliers d’emplois, non seulement dans les chaînes de production, mais aussi parmi les nombreuses PME sous-traitantes et au sein de toute l’économie qui gravite autour des sites.

De leur côté, les géants du luxe dont le plus connu est sans aucun doute LVMH contribuent à revitaliser les savoir-faire artisanaux en France. Hermès, l’une de ses filiales, incarne ce modèle de réindustrialisation localisée. Avec l’ouverture de 11 nouvelles manufactures depuis 2010 et le recrutement de 4 700 artisans, l’entreprise renforce son ancrage territorial. À Louviers, dans l’Eure, un nouvel atelier de maroquinerie témoigne de cette stratégie, alliant excellence artisanale et dynamisme économique régional. La demande mondiale croissante pour le luxe "Made in France" est clairement un moteur mis au service de la préservation d’un patrimoine manufacturier unique.

Dans un autre registre, SEB, leader du petit électroménager, démontre comment les grands industriels peuvent répondre aux enjeux de souveraineté technologique. L’usine de Saint-Lô (Manche) a été modernisée pour produire des cartes électroniques, auparavant importées. Cette stratégie de rapatriement industriel vise à sécuriser des compétences stratégiques tout en renforçant l’indépendance vis-à-vis des chaînes d’approvisionnement asiatiques. SEB produit aujourd’hui plus de 10 millions d’articles par an en France, une performance qui illustre la résilience et la durabilité de son modèle économique.

L’industrie locale : des projets à ne pas sous-estimer

Au-delà des grandes entreprises dont les projets font beaucoup de bruit de par leur importance et les montants engagés, la réindustrialisation repose également sur des initiatives locales. Dunkerque, par exemple, s’impose comme un pôle d’excellence pour l’industrie verte. Cette région accueille plusieurs gigafactories de batteries électriques, notamment celle de Verkor, qui devrait permettre à la France de produire 1,5 million de véhicules électriques d’ici 2027. En parallèle, Dunkerque se positionne comme un acteur majeur de l’hydrogène vert, une filière prometteuse pour réduire les émissions de CO₂ dans l’industrie et les transports.

Le secteur de la défense, porté par des acteurs tels que Naval Group et Dassault Aviation, contribue également à la réindustrialisation, tout en renforçant la souveraineté nationale. Naval Group, par exemple, exporte ses sous-marins Scorpène vers des marchés internationaux, tandis que Dassault multiplie les succès commerciaux avec le Rafale. Enfin, des PME innovantes participent activement à cette dynamique. Lhyfe, spécialisée dans l’hydrogène vert, ou Lacroix Electronics, acteur clé de l’électronique avancée, montrent la capacité des entreprises de taille intermédiaire à devenir des moteurs locaux de réindustrialisation. Ces entreprises bénéficient souvent d’un soutien public, via le plan France 2030, qui finance entre 30 % et 40 % de leurs projets, malgré des démarches administratives jugées encore trop complexes.

L’ambition industrielle française au défi de son financement

Si ces exemples montrent que la réindustrialisation française est en marche, des obstacles structurels freinent sa pleine réalisation. Le financement privé reste insuffisant pour accompagner l’élan donné par les pouvoirs publics. Alors que 25 milliards d’euros ont déjà été engagés sur les 54 milliards prévus par France 2030, les experts s’accordent à dire que ces fonds ne suffiront pas pour combler les besoins.

Par ailleurs, le manque de main-d’œuvre qualifiée dans des secteurs émergents comme les batteries ou la cybersécurité pose un défi majeur. Des initiatives de formation, comme celles mises en place par Hermès ou Airbus, visent à combler cette lacune, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour attirer et former de nouveaux talents.


25 Novembre 2024