En premier lieu: éviter de transposer aveuglement les modèles de management anglo-saxons
Adopter des standards de management venus d'outre-Atlantique, n'est-ce pas quelque part vouloir standardiser les hommes? Ce sont pourtant ces standards que nous vendent des cabinets d'audit parmi les plus réputés, parce qu'ils ont fait leurs preuves dans les plus grandes multinationales américaines. Bien sûr, les managers sont pressurisés par les tensions du marché à court terme. Bien sûr, piloter une organisation de façon pragmatique implique l'usage indicateurs de performance. Et bien sûr, il est réconfortant de succomber aux sirènes de l'expertise supposée d'un consultant. 5% des chefs d'entreprise français ont ainsi cru bon, pendant la crise, instaurer un modèle d'évaluation de leurs salariés appelé le "forced ranking" en guise de levier de la motivation.
Mais ils agissent peut-être en dépit de circonstances réelles, d'abord liées à des considérations d'ordre culturel. Les entreprises les plus performantes en Europe ne sont pas nécessairement celles qui pratiquent le culte de la performance individuelle. A propos de la performance des entreprises allemandes, qu'on évoque souvent comme emblème de dynamisme sur lequel nous devrions nous calquer, Nicolas Mottis explique qu'elles pratiquent un management paternaliste et que leur performance est d'abord due à "beaucoup de paramètres simples liés aux comportements des acteurs et ne nécessitant ni un nouveau plan quinquennal, ni une loi de modernisation."L'humain, encore. Parce que le forced ranking (ou "classement par quotas imposés"), pour sa part, est un outil de management par la terreur. Il consiste à attribuer une note aux salariés selon leurs performances, et parfois même à exonérer le dirigeant de responsabilité morale lors des licenciements économiques: on met sur le départ les salariés du bottom 10 (les 10% les moins performants). Résultat: une compétition fratricide entre les salariés qui met un terme définitif à l'esprit d'équipe, et affecte donc le potentiel de synergie.
"A ce petit jeu, l'employeur n'est pas forcément gagnant", souligne le Figaro. "Une utilisation abusive, parce qu'elle fait peser une épée de Damoclès sur les salariés, donne à l'entreprise une image de presse-citron. Et le forced ranking peut engendrer un stress excessif qui ne rend pas les salariés plus productifs." C'est d'autant plus évident à l'aune du fossé culturel qui nous sépare des travailleurs yankees. L'indicateur de performance sera mieux vécu par le salarié américain qui a une relation purement transactionnelle au travail, et sépare farouchement les sphères professionnelles et affectives. Tandis qu'en France, le salarié cultive souvent un intime sentiment d'appartenance à son entreprise. Il faut dire que la mobilité professionnelle est plus accrue aux Etats-Unis, tandis qu'en France la carrière individuelle est souvent projetée sous l'angle de l'entreprise à laquelle on appartient.
Il convient donc de faire preuve de discernement: le cartésianisme ne remplacera pas l'intuition en management. Un homme n'est pas un process, il est délicat de l'évaluer objectivement. Vincent de Gaulejac, auteur du livre "Travail: les raisons de la colère", indique que "dans les entreprises, la tendance aujourd’hui est de faire systématiquement appel à des experts extérieurs. Il vaudrait mieux s’employer à redonner au management sa fonction première qui n’est pas de pousser le système vers l’excellence et la performance, mais de produire une organisation qui n’empêche pas les gens de travailler !"
Mais si vous préférez persévérer dans la voie du forced ranking, attendez-vous à ce que vos salariés vous attribuent légitimement, en contrepartie, un score de leadership... Une idée peu séduisante, n'est-ce pas?
Mais ils agissent peut-être en dépit de circonstances réelles, d'abord liées à des considérations d'ordre culturel. Les entreprises les plus performantes en Europe ne sont pas nécessairement celles qui pratiquent le culte de la performance individuelle. A propos de la performance des entreprises allemandes, qu'on évoque souvent comme emblème de dynamisme sur lequel nous devrions nous calquer, Nicolas Mottis explique qu'elles pratiquent un management paternaliste et que leur performance est d'abord due à "beaucoup de paramètres simples liés aux comportements des acteurs et ne nécessitant ni un nouveau plan quinquennal, ni une loi de modernisation."L'humain, encore. Parce que le forced ranking (ou "classement par quotas imposés"), pour sa part, est un outil de management par la terreur. Il consiste à attribuer une note aux salariés selon leurs performances, et parfois même à exonérer le dirigeant de responsabilité morale lors des licenciements économiques: on met sur le départ les salariés du bottom 10 (les 10% les moins performants). Résultat: une compétition fratricide entre les salariés qui met un terme définitif à l'esprit d'équipe, et affecte donc le potentiel de synergie.
"A ce petit jeu, l'employeur n'est pas forcément gagnant", souligne le Figaro. "Une utilisation abusive, parce qu'elle fait peser une épée de Damoclès sur les salariés, donne à l'entreprise une image de presse-citron. Et le forced ranking peut engendrer un stress excessif qui ne rend pas les salariés plus productifs." C'est d'autant plus évident à l'aune du fossé culturel qui nous sépare des travailleurs yankees. L'indicateur de performance sera mieux vécu par le salarié américain qui a une relation purement transactionnelle au travail, et sépare farouchement les sphères professionnelles et affectives. Tandis qu'en France, le salarié cultive souvent un intime sentiment d'appartenance à son entreprise. Il faut dire que la mobilité professionnelle est plus accrue aux Etats-Unis, tandis qu'en France la carrière individuelle est souvent projetée sous l'angle de l'entreprise à laquelle on appartient.
Il convient donc de faire preuve de discernement: le cartésianisme ne remplacera pas l'intuition en management. Un homme n'est pas un process, il est délicat de l'évaluer objectivement. Vincent de Gaulejac, auteur du livre "Travail: les raisons de la colère", indique que "dans les entreprises, la tendance aujourd’hui est de faire systématiquement appel à des experts extérieurs. Il vaudrait mieux s’employer à redonner au management sa fonction première qui n’est pas de pousser le système vers l’excellence et la performance, mais de produire une organisation qui n’empêche pas les gens de travailler !"
Mais si vous préférez persévérer dans la voie du forced ranking, attendez-vous à ce que vos salariés vous attribuent légitimement, en contrepartie, un score de leadership... Une idée peu séduisante, n'est-ce pas?